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Prier sous la Sixtine - Charles III à Rome

  • NS
  • il y a 1 jour
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 9 heures

Pluralité religieuse et vérité révélée. Un dialogue est-il possible ? 


Deux mains se rejoignent au-dessus d’un livre ouvert dans la lumière dorée d’une chapelle, symbole de dialogue et d’unité entre traditions chrétiennes

Il y a des images qui réconcilient une histoire trop longtemps déchirée. Aujourd’hui, au Vatican, le roi Charles III a prié avec le pape Léon XIV dans la chapelle Sixtine, lors d’un office œcuménique inscrit dans l’Année jubilaire 2025. Un premier « Notre Père » public d’un souverain britannique avec un pape depuis la Réforme : événement à haute densité symbolique, accompagné de chants conjoints et d’échanges de présents, que le Saint-Siège présente comme un jalon d’amitié ecclésiale et de soin commun de la création. Plusieurs médias internationaux ont souligné le caractère « réparateur » d’un geste attendu de longue date, préparé sous François et porté aujourd’hui par son successeur, le pape Léon XIV.


Ce moment invite à déplacer le regard : au-delà de l’émotion et des photos, que dit cette prière partagée du dialogue entre confessions chrétiennes ? Et qu’implique-t-elle pour la manière dont nous parlons de la vérité en régime pluraliste ?


C’est précisément le terrain du livre de Jean-Paul Barquon, Pluralité religieuse et vérité révélée. Un dialogue est-il possible ? (Empreinte Temps Présent, 2024). L’auteur, théologien et journaliste, ancien pasteur, formé au droit international et à l’Institut Catholique de Paris, familier des enjeux de liberté de conscience et de laïcité, propose une méthode qui refuse tout autant le relativisme tiède que l’exclusivisme crispé : relire librement les textes fondateurs, discerner ce qui, en eux, appelle la rencontre sans dissoudre l’exigence de vérité.


Le geste et la parole


Le geste romain n’est pas une fusion des doctrines : c’est une prière — acte public de reconnaissance mutuelle — au sein d’un espace liturgique catholique, avec des voix anglicanes. Il dit l’estime et l’espérance, sans prétendre résoudre en un rite les divergences réelles (ministères, eucharistie, primauté). Mais il rappelle que l’unité visible n’est pas une stratégie de communication ; c’est un travail. Les dépêches du jour parlent d’« écologie intégrale », de fraternité, de paix, autant de terrains de coopération qui ne sont pas des pis-aller : ils deviennent épreuves de vérité. « Travailler ensemble » oblige à clarifier ce que l’on croit, non à en rabattre.

C’est exactement l’angle de Jean-Paul Barquon : ne pas confondre dialogue et syncrétisme. Dans un chapitre programmatique (« Dieu au sein de la République »), il rappelle que le fait religieux vit au grand jour : liberté de culte, devoirs de la laïcité, vigilance face aux tentations séparatistes et aux instrumentalisations politiques du sacré. Le dialogue ne s’oppose pas à la vérité ; il la met à l’épreuve du vis-à-vis. La prière royale à la Sixtine l’illustre mieux que tout discours : elle n’oblige personne à renoncer à ses convictions ; elle oblige chacun à en répondre honnêtement devant l’autre.


Le « oui » exigeant de la vérité


Jean-Paul Barquon s’attarde sur notre modernité désenchantée : panne de transmission des grands récits, soupçon généralisé face aux institutions, compétition des absolus privés. Faut-il, pour renouer le fil, réduire la vérité à une simple coexistence pacifique ? Réponse : non. Le christianisme n’a pas à muter en folklore consensuel. Mais refuser la violence de l’exclusivisme ne revient pas à diluer la foi ; cela réclame une pédagogie de l’interprétation : lire, relire ensemble, faire droit à la part d’énigme, accepter que l’Alliance se dit parfois en langages pluriels.


La scène du jour manifeste bien cette dynamique : un roi anglican prie avec l’Église catholique sans abandonner son identité liturgique ; Rome accueille sans caporaliser. Le message adressé à l’espace public est limpide : on peut chercher la vérité en commun — et c’est plus sérieux que d’exalter nos silos. Les responsables catholiques et anglicans l’ont redit : la chaleur des gestes n’est pas un vernis, elle « nourrit la confiance » d’un chemin qui vise, au long cours, à la pleine communion visible.


« Un jalon, pas l’aboutissement »


Faut-il donc célébrer naïvement ? Non. Les questions ecclésiologiques demeurent, et les blessures de l’histoire ne se résorbent pas à la vitesse des flashs. Mais l’histoire respire quand des responsables se risquent à une liturgie partagée. L’instant romain de ce 23 octobre 2025 n’est pas une parenthèse ; c’est un jalon : il élève la barre du débat public sur la religion, en conjuguant exigence de vérité et hospitalité du dialogue. C’est exactement le pari d’Empreinte Temps Présent en publiant l’essai de Barquon : tenir ensemble le courage de croire et la patience d’écouter.



Couverture du livre Pluralité religieuse et vérité révélée
Pluralité religieuse et vérité révélée, un dialogue est-il possible ?


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