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Les deux leurres « féministes » du pape François




En permettant aux femmes d’être lectrices et acolytes, et en nommant une religieuse sous-secrétaire du synode, le pape actuel envoie deux signaux qui ne doivent pas tromper sur la place réelle que l’Église catholique n’accorde toujours pas aux femmes.


Sœur Nathalie Becquart

Sœur Nathalie Becquart, 52 ans, religieuse ignatienne (« Xavière »), consultrice du synode, vient d’être nommée sous-secrétaire du synode des évêques. C’est la première fois qu’une femme accède à un poste de « numéro deux » au sein de ce cénacle d’hommes siégeant au Vatican. Plusieurs dépêches AFP abondamment reproduites par les médias ont présenté la nouvelle comme un événement au sein d’une Église qui écarte les femmes de toutes les fonctions de pouvoir, dernière institution figée dans une posture masculiniste parmi toutes celles qui se réclament du christianisme, et même parmi toutes les traditions monothéistes, puisque des femmes sont aujourd’hui rabbins et imams. Cette nomination refléterait la volonté du pape de promouvoir


une plus grande participation des femmes dans les processus de discernement et de décision ecclésiaux, a commenté le cardinal Mario Grech ;

sa sous-secrétaire aura un droit de vote, ce droit que le pontife romain a encore refusé aux religieuses qui le lui avaient demandé lors du synode consacré à l’Amazonie, en octobre 2019.



Les féministes (et tous ceux et toutes celles qui n’acceptent plus que les femmes soient rejetées du magistère catholique) auraient pourtant tort de se réjouir. Remis en service par un Motu proprio du pape Paul VI (Apostolica sollicitudo du 15 septembre 1965), les mini-conciles que sont les synodes ne sont que de simples organes consultatifs, ils n’exercent aucun pouvoir décisionnel au sein du système romain. Le pouvoir monarchique s’assied même régulièrement sur ses préconisations. C’est ainsi que, faisant fi de celles-ci, le pape argentin n’a donné aucune suite réelle aux vœux du synode sur la famille (octobre 2014) concernant les divorcés-remariés et les personnes homosexuelles, il n’a pas davantage honoré les votes du synode sur l’Amazonie (octobre 2019) concernant les ordinations d’hommes mariés, ou le diaconat féminin. Président du synode, le pape décide comme il veut de ce qu’il veut sous la forme d’une exhortation dont il est l’unique signataire.


L’autre mesure censée donner plus de place aux femmes a été décrétée par le Motu proprio Spiritus Domini, lequel reprend un Motu proprio de Paul VI tombé dans l’oubli, Minesteria quaedem, publié le 15 août 1972 pour accorder aux laïcs deux ordres mineurs, le lectorat et l’acolytat, deux ordres jusqu’alors réservés aux clercs comme des étapes provisoires sur le chemin du ministère sacerdotal. Les séminaristes accédaient au sacrement de l’Ordre par petites bouchées. Avec la collation de ces deux ministères, les laïcs sont habilités à faire des lectures lors des offices et ils peuvent servir l’autel, somme toute comme le font des enfants de chœur. En 1972, les évêques n’ont pas suivi : à quoi bon nommer des ministres, alors que les laïcs, hommes ou femmes, montent déjà à l’ambon pour faire les lectures et interviennent dans le chœur pour distribuer la communion ? L’innovation du pape actuel vise donc à étendre aux femmes le bénéfice d’un ministère qu’elles exercent de toute manière depuis des décennies.


Merci Saint-Père ! a pourtant réagi l’Union internationale des supérieures majeures. Or, comme l’a souligné sur Zenit le liturgiste de l’Université pontificale Angelo Lameri,


cet accès des femmes aux ministères liturgiques de lecteur et acolyte n’est ni une promotion ni une ouverture à l’ordination de femmes. Il s’agit d’une reconnaissance du laïcat et de son rôle dans l’Église, ces ministères ont un caractère laïc et non une première étape vers le diaconat féminin.

Au demeurant, Paul VI avait, le même 15 août 1972, publié un autre Motu proprio, Ad Pascendum, pour restaurer le diaconat permanent et son successeur se garde bien d’en étendre l’application aux femmes, s’étant contenté de mettre en place en avril 2020 une commission sur les diaconesses. Comme le relate Scandales, les défis de l’Église catholique, le pape s’est empressé d’expliquer aux journalistes :


Annoncer qu’avec cette commission l’Église ouvre la voie aux diaconesses, comme je l’ai lu dans les journaux, n’est pas la vérité. Quelqu’un me disait que, quand quelque chose ne trouve pas de solution, on crée une commission !




Le diable étant comme souvent dans les détails, la soi-disant avancée que constituerait Spiritus domini pourrait même avoir des effets régressifs : les clercs opposés à la place des femmes dans les célébrations pourraient s’en prévaloir pour interdire de lecture et de distribution eucharistique les femmes qui n’auraient pas fait l’objet d’une collation en bonne et due forme signée par l’évêque ! Et les jeunes-filles servantes d’autel pourraient tout aussi bien se trouver congédiées.


La ligne sexiste du Vatican n’a pas dévié en réalité de ce que l’ecclésiologue Jean-Blaise Fellay, jésuite, directeur du centre théologique de Fribourg, constate :


la question du genre joue un rôle important dans la mise à l’écart des femmes du pouvoir ecclésial. Je reste persuadé que les hommes ne veulent tout simplement pas partager (interview au journal suisse Le Temps sous le titre l’Église connaît un véritable effondrement).

Pour exclure les femmes, les hommes du Vatican continuent ainsi de se prévaloir du fait que Jésus n’a choisi pour apôtres que des hommes. Or, analyse un autre jésuite, l’éminent christologue Joseph Moingt, décédé l’été dernier, ce choix sexiste s’explique parce que



Jésus destinait les Douze à prendre le commandement dans son Royaume des douze tribus d’Israël, et qu’on n’avait pas idée, de son temps et dans son pays, de mettre des femmes à la tête d’un peuple, car cela n’aurait pas été toléré par la majorité de la population. Mais aujourd’hui, les femmes font les mêmes longues études, les mêmes métiers, les mêmes sports et elles jouissent des mêmes droits, remplissent les mêmes fonctions, occupent les mêmes postes, à parité avec les hommes. Les sociétés civiles s’en sont très bien accommodées. L’Église, elle, résiste tant qu’elle peut, elle y perd sa substance et sa force.







Alors, la nouvelle sous-secrétaire Nathalie Becquart peut bien professer


qu’une Église synodale est un espace de parole libre et de dialogue et que la synodalité est vraiment la clé de l’évangélisation,

c’est encore et toujours le pape François et lui seul qui garde la clé. Telle nomination, ou telle « ouverture » des ordres mineurs sont des leurres. Ils ne sauraient faire oublier que le débat sur le ministère des femmes dans l’Église catholique reste interdit. La messe est dite par le pape actuel :


Le sacerdoce réservé aux hommes comme signe du Christ Époux qui se livre dans l’eucharistie est une question qui ne se discute pas (Exhortation apostolique Evangelii gaudium 104, novembre 2013).


Christian Delahaye

Journaliste et théologien

Christian Delahaye publie régulièrement aux éditions Empreinte. Prochainement paraîtra l'ouvrage "Adieu curé" aux éditions Empreinte.






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