Essai sur « Au Soir d’une longue journée »
Alain Mascarou a rédigé, dans un langage poétique, un essai sur l'ouvrage de Bilge Karasu "Au soir d'une longue journée" que nous avons le plaisir de vous offrir au fil de ce blog ...
Une croix sur l’image
Constantinople en proie à la persécution iconoclaste, depuis vingt-quatre heures, le moine Andronikos fuit la Ville. Au moment de céder au sommeil sur un rivage déserté, il s’interroge anxieusement sur sa relation à un dieu, sinon au divin, juste avant d’éprouver corps et âme le regret de son ami Ioakim. L’œuvre de Bilge Karasu est traversée d’axes multiples, il est sans doute illusoire de vouloir l’inscrire dans un cadre explicatif unique. Pourtant bien des conflits auxquels sont affrontés quelques-uns de ses personnages tournent autour de deux postulations, tantôt indépendantes, tantôt conjointes, le plus souvent clivantes : croire — qu’il s’agisse d’une profonde adhésion politique, religieuse, ou de confiance éperdue en l’autre — et désirer (au sens de l’érôs). Soit pour Andronikos deux interrogations bouleversantes sur sa vérité — en Qui croire, comment aimer — deux remises en cause fondamentales, auxquelles l’accule une décision politique : manifestation exemplaire de la mainmise du pouvoir sur le signe, l’édit impérial à l’encontre de la représentation divine.
Le fleuve insoumis
Et c’est désigner l’enjeu essentiel, le moyeu autour duquel s’engrène l’action, qui au-delà de l’existence de l’État peut mettre en jeu celle d’un individu. Dans le premier récit d’Au Soir d’une longue journée, il revient à l’émotion populaire de déclencher la crise iconoclaste, en réaction à une décision arbitraire, « imposée du sommet », où le pouvoir joue sa légitimité.
"Après cette nuit où le peuple, en particulier des femmes, s’était révolté devant la mutilation de l’image du Christ, et alors qu’on annonçait la mise à mort de l’officier du Palais qui l’avait ordonnée. Après que l’Empereur eut entamé les représailles, il avait fait mettre des croix à la place des images".
.Il s’agit d’une icône à l’effigie du Christ, placée à proximité de la porte principale du Palais de Constantinople. C’est l’un des faits historiques rapportés par les chronographies anciennes, daté entre 726 et 730. Dans ce premier récit, la foule de Constantinople est maintenue à l’arrière-plan de l’action, elle ne joue qu’un rôle révélateur de la violence du trouble porté dans les consciences. Mais dans le troisième récit, ce sont, douze siècles plus tard, les manifestants d’Ankara qui passent au premier plan, eux dont les chants reprennent un refrain héroïque exaltant l’esprit de résistance personnifié par le Danube qui se refuserait à couler. La maîtrise du signe change de camp, s’exerce alors par l’appropriation du symbole ; le basculement du rapport de force est rendu effectif par une figure du sublime, le fleuve insoumis. Autrement dit, le point de rupture qu’atteint l’existence de chacun des personnages de ces récits est déterminé par de puissants affects collectifs que mobilise le contrôle des signes. Andronikos est déchiré par sa révolte contre l’interdiction de vénérer les images saintes, puis plus tard par l’implication, dans son châtiment, du garçon qu’il aime. Bien sûr il incarne tragiquement l’intensité d’aspirations individuelles à la vérité, motivées par le besoin de lutter contre la mort, de sortir de soi en se projetant vers une transcendance, une communauté ou un être. Mais c’est à sa fidélité à une foi qu’on abandonne, et du même coup à une époque de la représentation qui s’achève brutalement, qu’en fuyant son couvent il sacrifie son affection pour Ioakim, et l’attachement de celui-ci à son égard. Dans le deuxième récit, Ioakim, devenu peintre d’icônes, doit affronter la décision inverse, la levée de l’interdiction des images. Dans le troisième récit, la dictature de Mussolini oblige à des exils séparés Gigi le communiste et Gina la juive en butte jusque dans Istanbul à la malveillance tatillonne de l’administration italienne. Gina trouvera cependant le moyen d’oublier la tyrannie pour revivre quelques instants sa passion amoureuse à travers la musique. Au centre d’Ankara enfin, lors de la révolte contre le régime de Menderes, c’est l’espérance de s’être levés contre la fatalité qui anime les insurgés et leurs chants.
La tension entre ces extrêmes — une foi qu’on contraint à renier pour une foi nouvelle, et le pari de ceux dont aucun pouvoir ne réglementera la manière de croire — est révélatrice de la vibration et de l’actualité contemporaine de ces trois récits, mais aussi de la force d’interrogation de l’œuvre entière de Bilge Karasu, ce qui n’est pas sans concerner jusqu’à son statut particulier d’écrivain. Car si le conflit interfère avec l’expression artistique — Gina est musicienne, Ioakim peintre, Andronikos est fasciné par le souvenir d’Haghia Sophia et s’est rêvé un temps bâtisseur —, il se répercute aussi au niveau de la mise en œuvre littéraire. De la fracturation du signe qui affecte de proche en proche le processus de la création, on peut trouver en effet un nouvel exemple, cette fois sous un éclairage tout différent, puisque placé sous le signe du renouveau : il implique la situation de l’écrivain Karasu dans la langue écrite turque. J’y verrais volontiers une coïncidence heureuse, entre la pression de l’Histoire et le désir d’affranchissement des normes, le dirigisme de Mustafa Kemal et l’indépendance d’esprit de Bilge Karasu. Il entre en littérature alors que se poursuit le chamboulement linguistique initié par Atatürk trois décennies auparavant, que toutes proportions gardées l’on peut comparer à l’état de la langue française de la Renaissance, en quête de légitimité et d’enrichissement. Reprenant l’interrogation sur le rapport entre le signe et le sens sur le plan de l’écriture, l’auteur se trouve intervenir sur un nouveau front, ce qui rend bien malaisé de considérer son œuvre comme une sorte d’À Rebours, de tour d’ivoire dressée face à la déception historique ou amoureuse. Et à ce niveau l’engagement de Karasu est assez intrigant.
Un écrivain minoritaire ?
Laurent Mignon, dans une étude inaugurale, a mis en valeur les aspects « minoritaires » de Bilge Karasu dans le paysage de la littérature turque de son temps, aussi bien par son origine juive et son homosexualité, que par le choix de certains thèmes, comme ceux justement de Byzance, du christianisme, de la figure de Judas. Or dans Au Soir d’une longue journée, le tour de force aura été non seulement de prolonger deux récits historiques par un récit contemporain en guise d’éclairage réciproque, mais aussi d’écrire dans l’esprit d’une réforme d’inspiration nationaliste — et ceci semble se prêter à cela, le souci d’uniformisation de la langue ne pouvant que servir à la transposition d’une époque dans l’autre. Il n’était certes pas question pour Karasu d’écrire à coup d’archaïsmes un roman d’antiquaire qui eût pastiché une Constantinople orientaliste à la manière des peintres européens du XIXe siècle — dans l’œuvre la désignation des lieux anciens se réfère presque toujours à l’Istanbul contemporain —, mais de tenter audacieusement une distorsion entre le sujet et sa matière, d’oser le grand écart entre le VIIIe siècle de l’Empire d’Orient et le renouvellement de la langue turque.
En 1932, deux ans après la naissance de l’écrivain, qui appartient donc à la première génération de la Turquie moderne, le Türk Dil Kurumu [T.D.K. Institut de la langue turque] fut fondé par Atatürk pour veiller à la réforme du turc et rédiger un dictionnaire. L’Institut devait connaître une impulsion nouvelle dans les années soixante. En 1963, il distingua Bilge Karasu pour une traduction de D.-H. Lawrence. C’était l’année de ce voyage en Europe au cours duquel il composait justement le premier récit d’Uzun Sürmüş… Un de ces faits qui auront pu lui attirer bien plus tard le reproche de s’être trop docilement plié aux consignes kémalistes de l’öztürkçe, ou« turc authentique », d’une langue turque rénovée, épurée (1) des influences arabes et persanes, du moins autant que faire se pouvait, si anciens étaient les emprunts, et incorporés au turc. Mais tout autant Karasu a-t-il été blâmé de n’avoir pas su affirmer, en raison de ses origines juive et grecque, une identité d’« écrivain minoritaire » jusque dans sa langue d’écriture. Il faut avouer qu’il n’aura pas reculé devant les paradoxes : celui d’un kémaliste bon teint, attaché à la laïcité, mais dont certains des thèmes introduisent, de façon insolite dans l’environnement littéraire et intellectuel de son pays et de son époque, un intérêt pour le Nouveau Testament, dans un esprit il est vrai… iconoclaste ; le paradoxe d’un écrivain au « turc artificiel » qui finit par trouver aujourd’hui dans son pays une recrudescence de lecteurs à l’heure où jusque dans le lexique le fantasme ottoman revient en force.
Certes, Bilge Karasu se disait écrivain, sans autre assignation. Ainsi pourrait-il rejoindre ces auteurs inclassables, qu’ils refusent le monolinguisme ou que, de fait, ils se trouvent plurilingues, et qu’à la manière de Borges ou Beckett ils se recommandent moins de telle ou telle littérature que d’un sentiment comme distancé de la langue d’écriture. Sans pour autant, quant à Karasu, au cours même de ce périple européen de 1963, cesser d’écrire en turc, et moins encore d’utiliser le turc comme langue parlée, au gré de ses rencontres amicales avec des compatriotes. Pratiquant aussi le grec et l’italien que l’on parlait chez ses parents, mais aussi l’espagnol, le français, l’anglais, il est en fait l’écrivain d’entre les langues, et même d’entre deux états de la sienne : il retravaille un turc appris en classe, et non « maternel ». Mais de cette particularité il fait un atout, il sera un écrivain de langue turque, uniquement, et un écrivain épris de sa langue, engagé dans l’élaboration de l’öztürkçe. En sorte qu’il entretient un double rapport avec la langue d’écriture : d’extériorité par son plurilinguisme, et de transformation, non par adjonction d’anglicismes ou de gallicismes, en allant tout au contraire dans le sens de la langue, jusqu’à pouvoir être le seul à employer des termes ou des constructions on ne peut plus turcs. Pour lui, c’est même à la condition de renforcer la « turcité » de sa langue que la Turquie peut revendiquer une appartenance européenne, et certes pas en naturalisant, par exemple, des mots français. Ne pourrait-on pas trouver dans cette revendication de l’altérité une analogie avec sa quête d’écrivain soucieux d’affirmer son idiosyncrasie, pour reprendre le terme sinon la démarche de Gide ?C’est qu’avec Karasu «origine» et «originalité» vont de pair.
Pour en revenir au turc, à l’impératif de recentrement de la langue, l’exemple d’Au Soir d’une longue journée est des plus probants. Le développement du thème de la « Querelle des images », et le choix du lexique qui semblerait en découler, ne serait-ce que l’emploi du mot « ikon », icône, qui pour les Byzantins désignait toute image sainte, quel qu’en fût le support, fournissent une illustration de ses décisions d’écrivain. Pour traiter son sujet en 1963-65, il ne contrevient pas au Dictionnaire du T.D.K. des premières éditions (1945, 1955), d’ailleurs ce dernier n’admettra ikon qu’à partir de 1974, semble-t-il, en le référant d’abord au grec puis en 2005, au français « icône », en tant qu’intermédiaire du grec ancien. Effectivement, pour désigner les images saintes, les « récits byzantins » de Karasu n’emploient jamais qu’imge, conjointement avec resim. Resim, « peinture », est de l’ordre de la vision concrète, de la réalisation plastique, il dénote la matérialité de l’icône, qu’elle soit tableau, fresque, mosaïque, voire impression rétinienne. Il est emprunté à l’arabe dès le XIVe siècle. Bien plus récent, imge est répertorié seulement dès 1935. Contrairement à ce qu’on attendrait, il ne dérive pas étymologiquement du français « image », il en a pris le sens par paronymie ; imge est issu d’une racine turque im —, qui signifie « indice, signe ». Chez Karasu imge dénote l’image mentale, et au-delà la valeur symbolique de l’icône, alors que, si on s’y réfère à titre indicatif, les premières éditions du Dictionnaire du T.D.K. le cantonnent au domaine physio-psychologique. Ainsi, si son label turc est conforme, le terme est ici utilisé dans une acception qui emprunte à une langue européenne, pour l’ouvrir à la notion de « représentation » qu’il n’a pas au départ. L’écrivain ne crée pas un autre mot, il exploite du mot turc le potentiel sémantique. Et il s’agit d’un choix emblématique, étant donné la prédominance du motif de l’image dans les deux premiers récits, au niveau tant de l’action que de la réflexion des personnages.Le souci d’orthodoxie linguistique de Karasu — dans La Nuit, celui dont le sort est lié à la langue s’appelle « Le Correcteur » — est, on le voit, tout relatif. S’il l’inscrit parmi les artisans les plus conséquents de l’öztürkçe, la rigueur lexicale a chez lui partie liée avec l’inventivité, elle l’induirait plutôt. En somme, il s’agit moins à mon sens d’un indice de ralliement nationaliste que de la saisie d’une circonstance favorable à la créativité et aux aptitudes linguistiques de l’auteur. D’une part, Karasu doit sans doute à sa polyglossie une sensibilité particulière à l’histoire de la langue et un intérêt pour sa formation et son évolution que ne possède pas forcément un écrivain qui croirait entretenir avec elle, en tant que « langue maternelle », un rapport d’immédiateté. De plus, c’est un sentiment qui n’est pas seulement linguistique, mais qui rend attentif à la magique capacité des mots d’être des récepteurs et des réservoirs de valeurs :
"En l’intervalle de trente ans, toute espèce d’héroïsme, de pensée, de moment, d’ombre, d’ombre d’héroïsme, avait disparu, avait été effacée. Pourtant ces mots avaient encore un sens, une valeur. Eux — les mots, les significations — ne meurent pas facilement".
Ainsi songe Ioakim dans « La Colline ». Si j’ai pu présenter Karasu comme « étranger de l’intérieur », c’est aussi à ce niveau que s’exprime sa part d’étrangeté, dans la plus turque des langues — mais non la plus sourde aux autres. Au-delà, il en va comme s’il opérait une double révolution, et qu’au travers de la réforme (imposée) de la langue, retournant la situation à la manière de ceux qui chantaient sur la place d’Ankara, c’était de sa propre liberté d’homme et d’artiste qu’il faisait l’expérience. Quoi qu’il en soit, quand, dès 1974, le T.D.K. se mit à illustrer son Dictionnaire pardes citations, lors d’une septième édition qui, comme nous venons de le noter, avait quelque peu assoupli les règles initiales en introduisant le grec ikon, il emprunta des exemples à Bilge Karasu, parmi d’autres auteurs contemporains ou non, et avec des extraits, précisément, d’Au Soir d’une longue journée…
« Tu parles d’un succès »
Autant le dire, ce n’est pas ainsi que l’œuvre de Bilge Karasu a généralement été reçue — lorsqu’elle a pu l’être. De l’accueil d’Uzun Surmuş Bir Günün Akşamı, paru en septembre 1970, cet extrait d’une lettre à Jean Nicolas donne le ton : [07/04/1971]
« Tu parles d’un succès, mon cher Jean ! Je vous l’avais déjà écrit. On m’éreinte férocement. On m’accuse de penser trop à l’art littéraire, de faire “aliéné” (sociologiquement), d’être on ne peut moins “indigène” (le mot est exactement celui-là, avec presque les mêmes implications dans les deux langues, seulement ça ne ferait pas rire autant qu’en français lorsque cela est dit en turc.) Puis on dit que je prouve qu’écrire est une affaire d’amour (de l’art) et on pense aussi que je pourrais écrire des nouvelles très utiles (c’est bien ça) si je me mettais à représenter un certain groupe (vous voyez lequel) ou si je traitais mes sujets propres. À mourir de bêtise. Bon. On verra. Parce que de nos jours il est très à la mode d’être “marxiste” comme on l’était il y a trente ans, en certains pays. J’avais bien dit, je me souviens même de t’avoir dit la même chose tandis que nous montions vers Kayseri, qu’une certaine gauche ainsi que la droite allaient abhorrer mon bouquin, c’est ce qui est arrivé. »
Sans compter les mises à l’écart professionnelles dont il aura souffert du fait de ses origines juives, en tant qu’écrivain sans doute aura-t-il été discriminé aussi pour sa différence sexuelle, comme le souligne Laurent Mignon. Ainsi, quand on n’a pas rejeté d’emblée son œuvre comme jugée trop absconse et élitiste, les griefs se sont multipliés à son égard : refus de militer pour la cause homosexuelle (2), ou à l’inverse désolante prédilection pour ce thème, caractère étranger au génie national, esthétisme stérile, bizarrerie linguistique… Les temps ont changé, les griefs se sont renouvelés, l’œuvre dérange toujours.Changer la langue, abolir la vénération des images, c’est toujours s’intéresser à la remise en cause du rapport entre le signe et le sens. Chez cet écrivain épris de vérité, les questions de la foi, du désir, et maintenant du signe, témoignent d’une même liberté d’esprit face à l’arbitraire. Elles composent une sorte de basse continue à l’ensemble de l’œuvre, et s’imposent d’autant plus qu’elles sont indépendantes de telle ou telle forme littéraire. Inclassable, Bilge Karasu l’est aussi par la diversité de ses registres : il ne peut se ramener à tel ou tel genre, innovant dans l’essai, le récit, le conte, le roman, le théâtre radiophonique, voire la composition musicale. À la manière d’une traduction, chacun de ces modes d’expression soustrait le sens à la pression du signe.
Ainsi, si cet essai est consacré essentiellement aux trois volets d’Au Soir d’une longue journée, il mettra en continuité différents exemples de l’ambiguïté du signe dans l’œuvre. Cela, à la manière des variations sur le baiser de Judas, qui se heurtent de leur côté à l’interdit porté par l’Église, autre instance gardienne de l’interprétation. Elles traversent, comme l’a rappelé Laurent Mignon en soulignant les indications de l’auteur, les premiers et derniers textes de Bilge Karasu : les récits de La Mort était en Troie (1963) et le récit posthume d’Un automne de six mois (1996). Enfin la question de l’interprétation induit d’autres rapprochements avec des œuvres intermédiaires, comme deux des contes du Jardin des chats trépassés, « Avından El Alan », « Initié par sa proie » (l’objet de 4 versions successives, signe supplémentaire de la constance des préoccupations de l’auteur, de 1968 à 1977) et «Usta, Beni Öldürsen E!», « Tue-moi donc, Maître ! » (1970), ainsi qu’avec la dystopie du roman La Nuit (Gece), paru en1985.
Alain Mascarou
1 En voici l’idéal, évoqué par un romancier qui fut un fervent adepte des réformes kémalistes : « un turc d’une pureté parfaite, demeuré vierge de toute influence littéraire, original, vivant, ardent comme la flamme éclatante d’un folklore qui s’était victorieusement défendu contre toutes les emprises étrangères.», Yakup Kadri Karaosmanoğlu, Sodom ve Gomor, 1928, Leïla fille de Gomorrhe, version française d’après la traduction de René Marchand, Turquoise, Levallois-Perret, 2009. 2 Dans sa causerie de 1966 avec Halûk Aker et Güven Turan, Bilge Karasu se refuse à considérer les propos de Müşfik, le protagoniste de Troya’da Ölüm Vardı, comme une plaidoirie homosexuelle : « Je ne veux pas que quiconque se fasse le défenseur de quoi que ce soit. » Il n’empêche qu’une dizaine d’années plus tard, dans un espace qui n’est plus strictement littéraire, les pages d’Özel Günlük se présentent comme la prise de parole d’un homosexuel. Elles ont été publiées après sa mort par Füsun Akatlı dans la série des Œuvres Complètes, traduites sous le titre Carnet secret dans Bilge Karasu, l’étranger de l’intérieur, hors-série d’Inverses, n° 4, Châtillon, 2016, composé par Alain Mascarou. Voir Au Soir d’une longue journée, la préface d’Olivier Abel sur « la forme de résistance de Bilge Karasu » : «faire dissidence et sécession “sur place”».
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