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Photo du rédacteurDamien GUILLAUME

Abus sexuels : accompagner, comprendre

D'après le livre de Jacques Poujol "Abus sexuels, comprendre et accompagner les victimes"





L’« abus sexuel », des mots que l’on retrouve de plus en plus souvent dans notre environnement et dans les médias. Derrière ces mots, ces maux, se profile une réalité de souffrance, d’incompréhension et de blessures profondes.

L’agression sexuelle, violente ou non, affecte le développement psychosexuel de la victime, elle entrave par conséquent son avenir relationnel, émotionnel et sexuel. Ce dont la victime a besoin, c’est d’être entendue dans sa souffrance, reconnue comme innocente, non coupable et confirmée par une prise en compte de sa valeur à nos yeux.


I. Qu’entend-on par abus sexuel ?


Il existe différents types d’abus. Aucun des différents abus décrits ci-dessous ne doit être minimisé dans ses conséquences.


Les abus d’interaction


Il s’agit de toute contrainte verbale, visuelle ou psychologique par laquelle une personne se sert des autres en vue d’une stimulation sexuelle, la sienne ou celle d’une tierce personne.


Les abus d’interaction comprennent :


– Le discours, toute parole qui d’une manière où d’une autre sollicite l’autre sans son accord, l’usage de termes sexuels, la séduction subtile, l’insinuation. Une autre forme du discours abusif est celui des parents qui, sans qu’il y ait passage à l’acte, entretiennent une « relation affective » empreinte de sexualité avec leurs enfants. On parle alors de relations incestuelles.


– La contrainte visuelle concerne l’emploi de matériels pornographiques ; le regard insistant sur certaines parties du corps ; le fait de se dévêtir, de se montrer nu, ou de pratiquer l’acte sexuel à la vue de quelqu’un. Ici encore, alors que la personne qui subit cela ne le désire pas.


– La contrainte psychologique ou affective désigne la violation de la frontière entre le relationnel et le sexuel (les confidences sollicitées par les personnes en situation de responsabilité concernant la vie sexuelle de personnes sur lesquelles elles ont autorité ; un intérêt excessif pour la sexualité de son enfant) ou la frontière entre le physique et le sexuel : un intérêt trop marqué pour le développement physique de l’adolescent ou le fait d’assister à sa toilette intime.


Les abus de contact


Ils concernent tout ce qui est de l’ordre du toucher :


– Le baiser, le toucher, certains massages, les attouchements du corps à travers les vêtements, les caresses arrachées de force ou non, obtenues sous l’effet de la manipulation, des pressions psychologiques ou affectives.


– Les abus génitaux : masturbation, pénétration, attouchements divers ; simulation de rapports sexuels, contact génital, ici aussi avec ou sans violence physique.


– Les rapports sexuels : viol génital, anal ou oral (fellation), obtenu de quelque manière que ce soit, violente ou non.


Il faut noter que l’impact de ces abus est différent selon les histoires personnelles et les personnalités des victimes. En effet chaque victime a son propre vécu, une plus ou moins grande fragilité psychique ; chaque histoire d’abus est singulière et tel abus n’aura pas nécessairement les mêmes effets pour chaque victime.


Les effets négatifs de l’abus sont d’autant plus importants quand :


- Il y a eu plusieurs abuseurs.

– La victime a été menacée de violence ou de mort.

– L’abus s’est prolongé au cours des étapes de la vie psychoaffective de l’enfant ou de l’adolescent.

– L’abus a été le fait d’un responsable spirituel ou s’est produit dans un contexte religieux.

– L’abuseur est un très proche de la victime.

– La famille et l’environnement n’ont pas compris et soutenu la victime quand la vérité a été connue.

– L’abus a ouvert la porte à d’autres abus.


II. Comment la victime survit-elle à cet abus ?


Tout d’abord elle met parfois du temps pour réaliser qu’elle a été abusée. Nous savons que le temps ne compte pas pour l’inconscient, il s’est comme arrêté au moment de l’agression : c’est souvent l’apparition de symptômes comme la dépression ou des troubles sexuels dans le couple, la prise de drogues diverses, la médicamentation exagérée, des crises d’angoisse aiguës, qui l’incitera à laisser enfin sa souffrance refaire surface et à accepter d’en parler. C’est un premier pas vers la gestion positive.


Dans son for intérieur elle s’interroge, et si elle se sent écoutée et comprise, elle osera poser ouvertement les questions suivantes :


– Est-ce que c’était de ma faute ?

– Est-ce que je n’aurais pas pu l’éviter ?

– Est-ce que, placé dans ma situation, quelqu’un d’autre aurait réussi à résister, à se débattre, à s’enfuir ?

– Est-ce que je vais m’en sortir ?


C’est à un professionnel que la victime doit s’adresser ici. Parler de son abus à un professionnel ne veut pas dire « raconter » son histoire. Dans l’écoute thérapeutique, la victime garde le choix de ce qu’elle veut dire, comment elle le dit, quand elle le dit et à qui elle le dit. C’est dans le cabinet du thérapeute, dans le cadre d’un contrat que cela prend sens pour elle.


Il est des cas où la loi ne peut plus intervenir, la Justice ne peut plus être saisie lorsqu’il y a « prescription ». Pour d’autres, il y a encore une possibilité d’aller devant la Justice et la question se pose de décider s’il faut porter plainte ou pas. C’est un choix toujours difficile que seule la victime est en mesure de faire après réflexion et consultation.


Pour aller plus loin





III. Les blessures produites par l’abus


Les tentatives d’oubli


Soit la personne refoule et oublie l’événement ; elle oublie l’abus mais elle laisse inconsciemment les sentiments associés à cet événement « flotter ». Quand elle rencontre dans sa vie quotidienne une situation ressemblante ou une personne lui rappelant son vécu, alors sans comprendre pourquoi, elle projette ses sentiments refoulés (colère, haine) sur cette personne, ce qui est source de nouvelles souffrances relationnelles.


Soit elle parle froidement et sans émotions des événements douloureux vécus et refoule toutes les émotions liées à ceux-ci, émotions qui n’en continuent pas moins à vivre en elle, créant d’autres conflits intérieurs angoissants ou bien elle somatise.

Ce double processus permet à la personne de survivre à sa souffrance. Selon son histoire et son vécu personnel, elle va mettre en place un mécanisme plutôt qu’un autre.


La dissociation


Chez la personne abusée, quatre fonctions sont susceptibles de se dissocier :


a. La mémoire, par exemple dans les amnésies partielles.

b. Le sens de l’identité et de l’unité d’être soi : la personne se sent divisée en elle-même.

c. Les sensations ou perceptions sensorielles liées à une partie du corps : par exemple elle vit sa sensualité ou sa sexualité sans émotion ou de façon angoissée.

d. Les mouvements du corps et leur contrôle : par exemple, certains tics ou réactions inappropriées.


Les flash-back


Le flash-back se définit comme une résurgence dans la mémoire vive de scènes, de visages, de situations, de mots, sans que la personne parvienne à s’y soustraire.


Les besoins


Pour comprendre l’impact de l’abus sur la personne, il faut se rappeler que pour se développer, l’être humain a cinq besoins fondamentaux. Il a besoin de stimulations, de structures, d’appartenance, de reconnaissance, de positionnement. Ces cinq besoins sont comblés par les autres, en premier par ses parents et ses proches. Or dans l’abus, ces cinq points sont affectés.


Les sentiments


Les conséquences pour les victimes du crime de l’abus sont comme un torrent tumultueux qui bouscule l’âme et le corps et qui suscite divers sentiments. Quand elle décide de faire face à sa souffrance, la gestion des sentiments suivants fait partie des réalités que la victime doit affronter : le sentiment d’impuissance, de trahison, d’ambivalence, de honte, de mépris et de culpabilité.



IV. Comment continuer à avancer ?


Souvent la victime, ne sachant ou ne pouvant s’en sortir, reste avec sa honte et sa culpabilité, rumine son passé, fuit en cherchant à oublier, s’endurcit pour ne plus souffrir, se replie sur elle-même, devient insensible pour ne plus ressentir ni émotion ni désir. C’est le travail thérapeutique avec un professionnel (formé à aider les victimes d’abus) qui représente un moyen efficace et un chemin vers cette reconstruction.

La personne qui cherche de l’aide devrait faire attention à ce que plusieurs conditions soient remplies par le conseiller vers qui elle va se tourner. Elle vérifiera que cette personne est compétente et donc qu’elle ait un comportement adapté à ses traumatismes. Il faut être très clair : le thérapeute consulté doit avoir suivi une formation spécifique professionnelle à la question des abus et de l’accompagnement des victimes.


Conclusion


Ce sujet si fréquent et si douloureux des abus sexuels, avec leurs effets sur les victimes, enfants, adolescents, hommes et femmes, devrait non seulement nous émouvoir mais aussi nous mobiliser. Les abus doivent nous rendre attentifs à ce qu’endurent ces personnes dont la vie a basculé dans la souffrance et souvent l’incompréhension.


Le 19e siècle a été celui de l’abolition de l’esclavage, le 20e siècle celui de la suppression de la peine de mort et de la fin du colonialisme dans la plupart des pays. Notre espérance est que le 21e siècle sera, si nous le décidons, celui de la fin de l’impunité des abus sexuels et de la mise en place de moyens adaptés pour entendre cette souffrance bien particulière, afin que chacun puisse être pleinement Sujet, auteur de lui-même et de ses désirs.


Pour cela, il est nécessaire d’ouvrir des espaces de parole appropriés, de se former quand on est en situation d’écoute ou de soin envers autrui, mais aussi, que chacun d’entre nous veille à ce que les victimes puissent être écoutées et trouver une aide compétente.


Ressources pour les victimes d’abus sexuels

et pour ceux qui souhaitent les accompagner

 



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