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136 éléments trouvés pour «  »

  • Rencontrez le dessinateur Selçuk Demirel

    Nous sommes très heureux de vous convier à la Librairie la 25e heure, 8 place du Général Beuret, Paris 15e, pour la la signature exclusive de Selçuk Demirel, dessinateur de talent, pour ses trois nouveaux livres : de véritables petits bijoux ! Plongez dans son univers unique à travers des pages remplies de créativité et de magie. 🎨 Une très bonne idée cadeau pour noël qui approche ! Rejoignez-nous le dimanche 17 décembre pour une rencontre inoubliable avec l'artiste !

  • Des hommes et des religieux

    Si vous n’avez pas vu La conspiration du Caire et que le film passe encore non loin de chez vous, foncez ! Non pas juste pour passer un bon moment, mais bien pour être emporté dans un autre monde et ébranlé sur vos bases. Vous voilà “arrivé” en Égypte, au sein de la prestigieuse université sunnite Al-Azhar. Nous la découvrons au travers du regard d’un jeune homme brillant, fils de pêcheur, encouragé par l’imam du village à faire des études. La bonne nouvelle est tombée, sous la forme d’une lettre : Adam a obtenu une bourse, il a été sélectionné parmi des centaines d’autres jeunes musulmans ! Il découvre Le Caire avec des yeux tout à la fois émerveillés et effarés. Les images de l’université sont splendides, tous ces étudiants vêtus pareillement de "qamis" immaculés et coiffés de toques rouges et blanches, traversant une cour monumentale, au pied du minaret. Pourtant, très vite, l’ordre apparent s’efface et le film vire au polar, quand le Grand Imam d’Al–Azhar disparaît dans de mystérieuses circonstances. Adam, le pur, le naïf, le confiant se trouve alors embarqué à son corps défendant dans une terrible machinerie faite de coups tordus, de manipulations, de peurs, de morts… Le cinéaste Tarik Saleh y va fort pour dénoncer la corruption et la tyrannie exercée par le régime du Maréchal Al-Sissi, y compris sur la gouvernance de l'université. Au cœur de l’intrigue, les relations État et religions, quand les pouvoirs s’affrontent, nous laissent abasourdis. On comprend mieux pourquoi Tarik Salek, déjà auteur d'un excellent Le Caire confidentiel en 2017, est interdit de séjour en Égypte. Et pourquoi, après avoir tourné son premier film au Maroc, il a dû réaliser celui-ci en Turquie. Quel courage que celui de cet artiste, né en Suède et d’origine égyptienne ! Dans le même temps, la plateforme Netflix propose une série intitulée La disparue du Vatican. Ce documentaire évoque une autre histoire de manipulation dans un autre monde religieux, celui de la papauté. C’est tout aussi terrible. L’affaire serait-elle passée inaperçue en juin 1983, deux ans après la tentative d’assassinat de Jean-Paul II par Mehmet Ali Aga, pour que je l’oublie à ce point ? Rien ne me rappelle cette jeune fille de 15 ans, Emanuela Orlandi, enlevée au pied de son immeuble et disparue à jamais. Pourquoi ? Comment ? Le documentaire avance pas à pas, interroge le frère, les sœurs, la mère d’Emanuela, un affabulateur qui s’invente des rôles, des journalistes romains… Ici aussi émergent de sombres histoires de manipulation, d’argent occulte, de mafia, de banque du Vatican, d’abus. Les raisons de l’enlèvement d’Emanuela sont telles qu’on n’ose y croire. Comme dans La Conspiration du Caire, nous voilà confrontés à un monde exclusivement masculin, où les rares femmes présentes servent de proies sexuelles à des hommes tout-puissants. Si le film est très graphique et symbolique, le documentaire pêche par cette tentation généralisée chez Netflix d'ajouter des musiques entêtantes et des effets quelque peu superflus. Il n’empêche : tous deux disent beaucoup de ces mondes aux règles ancestrales et patriarcales, où vibre la loi de la violence qui s’attaque aux humbles. Glaçant et salvateur. Nathalie Leenhardt, Journaliste VOUS POURRIEZ AIMER LIRE SUR CE THEME :

  • La République de Turquie, bientôt centenaire

    Le 29 octobre 1923, la République de Turquie est proclamée, Mustafa Kemal est aussitôt élu président. La Turquie est assez mal connue en France comparativement aux autres pays européens, à l’Amérique du Nord, au Maghreb ou aux anciennes colonies. Pourtant les interactions entre la France et la Turquie (l’Empire ottoman avant celle-ci), sont d’une richesse insoupçonnée. Elles s’étendent bien au-delà de l’actuel territoire de la Turquie et touchent de nombreux pays issus de l’Empire ottoman et qui étaient concernés par les réformes de l’Empire, fortement inspirées de la France du XIXe siècle. En effet la période critique marquée par ces interactions se situe au XIXe lorsque les Ottomans décident d’occidentaliser le territoire de l’Empire. La France constitue leur source d’inspiration principale : les idées qui la traversent et les pratiques qui sont les siennes en termes de philosophie politique, d’idée nationale, de laïcité, d’administration du territoire, de centralisme administratif, d’enseignement militaire et d’enseignement national, parmi tant d’autres savoir-faire. Ces interactions se poursuivent malgré la conquête française des territoires ottomans de l’Afrique du Nord qui a lieu pratiquement au même moment. Pour souligner l’intensité de ces interactions, je citerai Auguste Comte et quelques personnages politiques éminents. Le philosophe réagit en effet aux réformes occidentalisantes de l’Empire par une lettre adressée au grand vizir Mustafa Reshid Pacha, architecte de l’Édit de Tanzimat en 1839, paquet législatif d’importance historique, d’inspiration occidentale et touchant de très nombreux sujets. Voilà arrivée en terre d’islam finalement la religion positive s’exclame-t-il. Un des successeurs de Mustafa Reshid, le grand vizir Midhat Pacha, continue dans la même voie pour faire adopter, avec les contributions de nombreux collaborateurs, la première constitution de l’Empire. Un an plus tard en 1877, Midhat reçoit à Paris une délégation positiviste emmenée par Pierre Laffitte. Le positivisme reste très présent dans l’environnement politique et social de l’Empire au milieu du XIXe. Un autre personnage typique de cette époque est Ahmed Rıza Bey (1859-1930), président de la seconde législature en 1908, membre du Comité positiviste international, fort influent au sein de l’opposition ottomane/turque exilée, connue sous le nom des « Jeunes Turcs ». Leur devise est « Union et Progrès » rappelant manifestement l’« Ordre et Progrès » des positivistes. Ahmed Rıza Bey est célèbre, entre autres, pour avoir prononcé un discours sur la tombe d’Auguste Comte où il réitère sa « conversion » de l’islam au positivisme. Les idées et les actions inspirées, voire importées de la France, mériteraient un éclairage approfondi afin de marquer la filiation, mais également de réfléchir sur la situation chaotique actuelle de la Turquie où les tentatives de désoccidentalisation et du retour du religieux supplantent les manifestations de deux siècles de transformation occidentalisante. Deux interactions fondamentales entre la France et la Turquie méritent également d’être éclairées. La première concerne le Maghreb et la « triangulaire » insoupçonnée qui existe entre le Sud méditerranéen et ces deux pays (Algérie et Tunisie), anciennes puissances coloniales. Ces continuités, ruptures et influences indirectes demanderaient à être interprétées sous un nouvel angle. Pour exemple citons l’inspiration d’Habib Bourguiba de Mustafa Kemal Atatürk et forcément les conséquences actuelles des tentatives occidentalisantes dans les deux pays. La seconde concerne tout ce qui est en rapport avec le génocide des Arméniens, avec une France qui reste la terre d’accueil principale en Europe des rescapés du génocide et une Turquie qui continuer obstinément à nier cette catastrophe, historique et constituante de son identité nationale et politique. Nous espérons que l’année 2023 nous donnera l’occasion d’approfondir ces questions et, ainsi, de contribuer à une meilleure compréhension mutuelle. Cengiz Aktar, politologue Cengiz Aktar est l'auteur, aux éditions empreinte de l'ouvrage "Le malaise turc" Découvrez notre interview de Cengiz Akatar en vidéo

  • "Des animaux et des dieux" dans la revue Etudes

    La théologie de l’animal est une discipline déjà bien avancée en langue anglaise, grâce à des auteurs comme Andrew Linzey ou David L.Clough, beaucoup moins dans l’espace francophone. Il est sans doute important qu’une théologie de l’animal se réfère à la tradition intellectuelle française, ce que fait ici Christian Delahaye, faisant œuvre de pionnier. Il place au fondement de la théologie de l’animal une révolution, que Darwin illustre scientifiquement au XIXe siècle avec sa théorie de l’évolution, mais qui est aussi légale, politique et philosophique. La théorie de l’évolution fait tomber une muraille créée par les humains pour se distinguer des autres espèces vivantes et remet de ce fait en question la supériorité humaine et, avec elle, l’anthropocentrisme, le suprémacisme, les hiérarchies, l’esprit de domination. Elle incite à repenser la théologie, et vient bousculer les dogmes et l’ecclésiologie catholique. Delahaye appelle à une révolution théologique et reprend de Pierre Teilhard de Chardin la notion de Christus Evolutor : « Christ apporte le salut, il est le sauveur de l’évolution.» L’essai est vivifiant, et sans doute trop court pour développer en profondeur une théologie de l’animal : la réflexion théologique ne commence qu’à la moitié du livre. Du reste, la réflexion est principalement théologique et chrétienne, et ne traite que secondairement des autres religions. La particularité de l’ouvrage réside dans le fait que l’auteur voit comme conséquence principale de la théologie de l’animal une critique de l’Église catholique, notamment de son organisation hiérarchique, là où la plupart des théologiens tirent des conséquences en éthique pratique (le traitement des animaux) et en écologie. RODOLPHE BLANCHARD-KOWAL A retrouver dans la revue Etudes

  • Affaire Santier

    Lettre ouverte à l’évêque président de la Conférence des évêques de France Face au dégoût et à la révolte exprimés jusque dans les colonnes de la presse catholique, l’affaire Santier (du nom de l’ex-évêque pervertisseur de sacrement à des fins sexuelles) a fini par faire réagir le président de la CEF (Conférence des évêques de France), Éric de Moulins-Beaufort dans la Lettre de l’Église catholique. Une missive qui ajoute encore plusieurs scandales aux scandales et qui nécessite une réponse sous la forme de cette lettre ouverte. Monsieur le président, « La révélation dans la presse de faits graves mettant en cause Mgr Michel Santier », écrivez-vous pour commencer votre lettre. Elle commence mal, votre lettre. Encore et toujours l’omerta : vous vous abstenez d’écrire de quoi il s’agit au juste : un prêtre, à l’époque, dans les années 1990, Michel Santier n’est pas encore évêque, qui crée une structure d’accueil de jeunes (la communauté Réjouis-toi) et qui y pratique la « strip-confession » : lors du sacrement de réconciliation, il fait se déshabiller des jeunes devant l’eucharistie, un vêtement en moins à chaque péché, jusqu’à la nudité. En d’autres temps, une telle perversion de la grâce, un tel péché contre l’Esprit-Saint aurait entraîné l’excommunication de son auteur. Mais ce prêtre est devenu évêque (Luçon, puis Créteil), ainsi que président du Conseil pour les relations inter-religieuses. Et d’emblée, vous commettez un mensonge par omission : car ces « faits graves » n’incriminent pas votre seul confrère Santier, ils vous mettent en cause, vous les évêques qui, connaissant les faits, ont choisi de les taire, de les dissimuler, de les travestir : quand est enfin venue la sanction de Rome (juste une mise à l’écart dans la pénitence, mais en maintenant un ministère et le droit de célébrer la messe), vous avez communiqué sur des problèmes de santé. Jusqu’à ce que la publication des informations par Golias vous confonde. Descente aux enfers Un an après les révélations de la pédophilie ecclésiastique systémique (216 000 mineurs abusés en 50 ans par au moins 3 000 prêtres) avec le rapport de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), c’est votre dissimulation qui déclenche aujourd’hui les réactions de toute part : le dégoût, la nausée, la honte, la descente aux enfers, le scandale au carré, une lame de fond d’indignation face à votre lâcheté, à une horreur absolue, pour reprendre quelques-uns des termes employés par des fidèles et des prêtres sur les réseaux sociaux comme par les éditorialistes de la presse catholique qui vous est d’ordinaire favorable (La Croix, Famille Chrétienne, la Vie,…) La mise à l’écart de l’évêque de Créteil n’a pris effet que plus de six mois après le prononcé de la sanction romaine, six mois pendant lesquels l’évêque Santier a pu gouverner l’Église de Créteil sans restriction aucune. Et lorsqu’il s’est finalement installé à Saint-Pair-sur-mer, il a pu palabrer devant la presse régionale lors de son arrivée en un « lieu rempli de sérénité, de partage et d’échange » (sic) se faisant offrir un olivier par les élus locaux. Avec la bénédiction de l’évêque local. Dans votre lettre, vous poursuivez en écrivant que la révélation de ces faits graves (ceux commis par M. Santier, puisque ceux que vous avez commis semblent vous échapper), est un choc pour de nombreux fidèles, en particulier dans les diocèses de Créteil, de Coutances et de Luçon. Là, vous n’écrivez qu’un demi-mensonge : cette révélation n’a certes pas pu vous choquer vous-même, puisque vous étiez parfaitement au courant ! Mais en pensant en particulier à trois diocèses, vous négligez juste quelques fidèles par millions qui, à travers une centaine de diocèses, sont impactés par l’onde de choc. Aux uns le Ciel, aux autres les poubelles. Vous exprimez ensuite votre doucereuse compassion pour ceux qui ont souffert de ces faits et aussi envers toutes celles et tous ceux que ces révélations blessent, comme si la blessure venait des révélations journalistiques des mensonges et non des actes commis, de l’omerta des évêques et de leurs mensonges eux-mêmes. Demandez-vous alors pardon pour votre assourdissant silence et votre mensonge ? À tout le moins, exprimez-vous quelques regrets ? Sur ces questions, les stratégies de communication épiscopales divergent, les crosses s’entrechoquent à ce sujet. Seul le successeur de M. Santier, Dominique Blanchet reconnaît quant à lui sa responsabilité : J’ai conscience de votre trouble et de votre colère d’apprendre aujourd’hui ces faits, alors que vous savez que je les connaissais. Et l’évêque actuel de Créteil demande sincèrement pardon à ses diocésains. Son confrère Michel Aupetit (démissionné depuis par Rome pour ses affaires de cœur), l’archevêque de Paris qui a supervisé la manœuvre en sa qualité, à l’époque, de responsable provincial, ne fait pas, pour sa part, dans la repentance. Tout au contraire. Il se fend d’un twitt sidérant : Pourquoi de si nombreuses personnes aiment fouiller dans les poubelles ? Pour se rassasier des mauvaises odeurs ou pour masquer leurs propres ordures ? Je me sens de plus en plus attirer vers le Ciel pour me délecter de la bonne odeur du Christ. A lui le Ciel, aux autres les poubelles ! Un prêtre réagit par un autre twitt qui dénonce sa bêtise radicalement contraire à l’exigence de justice et de vérité. Pour la centaine d’évêques en fonction, motus. Quant à vous, Monsieur le Président, vous ne pouvez pas ne pas réagir, mais vous ne goûtez pas davantage au repentir. Très peu pour votre excellence. Dans votre lettre, vous vous contentez d’entendre et de recevoir les critiques en les circonscrivant à l’absence de communication des mesures romaines quand elles ont été édictées. Pour vous donc, vous entendez et vous recevez juste la demande d’une plus grande clarté. L’affaire Santier se réduirait à un coup de com. foireux. Et vous y ajoutez une défausse sur les exigences du droit canonique, son usage, ses interprétations qui peuvent varier d’un expert à l’autre. La faute aux canonistes, somme toute ! Huis clos et gouvernance dans l’entre-soi. Comme pénitence, ou comme bonne résolution, vous évoquez le devoir réfléchir sur des changements dans nos procédures, dans notre façon de les mener, comme d’en communiquer les résultats. C’est au menu de l’assemblée plénière des évêques qui se tient à Lourdes et qui va se dérouler… à huis clos : 95% des travaux se tiendront à huis clos, presse interdite. Voilà qui montre combien la transparence continue à répugner à toutes vos excellences ! Et combien la clarté vous est étrangère ! Comme vous vous refusez à modifier votre mode de gouvernance dans l’entre-soi. Mais vous nous avez réservé le meilleur – ou plutôt le pire – pour la fin de votre missive : Nous porterons à Rome le fruit de nos réflexions et nos propositions pour améliorer ce qui peut l’être, annoncez-vous. Il ferait beau voir que vous assumiez vos responsabilités par vous-mêmes et que vous les soumettiez au petit peuple des laïcs, aux baptisés dont vous soulevez l’indignation ! Ajoutant ce scandale final à tous les scandales que vous provoquez dans votre lettre, vous vous déresponsabilisez devant le pontife romain, tant il est vrai que, chez vous, la foi en la hiérarchie, la soumission au système romano-centré, la sauvegarde d’une institution mortifère priment encore et toujours sur l’Évangile de justice et de vérité. Le théologien-martyr Dietrich Bonhoeffer invitait une Église soucieuse d’elle-même plus que du Christ, à confesser sa lâcheté, ses déviations et ses dangereux compromis (in Résistance et soumission, Labor et Fides). En ne confessant ni votre lâcheté, ni vos perversions, ni vos compromis, vous oubliez de confesser Jésus. Sans doute sommes-nous arrivés au temps où Dieu se révèle en esprit et en vérité, prophétisait Joseph Moingt (L’Esprit du christianisme, Temps présent), Dieu dépouillé des phantasmes dont nous le revêtons, des pratiques et des formulations imposées par la religion. Dieu dépouillé de vos pratiques abjectes. Enfin ! Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en mon dégoût. Christian Delahaye Journaliste et théologien, dernier ouvrage paru « Des Animaux et des dieux, essai de théologie animaliste » (Empreinte Temps présent – Golias). Ps : j’ai publié en 2017 « Scandales, les défis de l’Église catholique » (Éditions Empreinte Temps présent). Ce livre m’a valu d’être exclu des facultés de théologie où j’enseignais, à Paris et à Caen. Cinq ans plus tard, un deuxième tome serait ô combien plus sévère. Nos livres numériques en lien avec cet article :

  • "Le contrat vital" de Gérard Mermet

    « Mettre en place une morale individuelle centrée sur l’utilité collective. C’est l’objet de ce livre. » Le Contrat Vital, p.111 Notre avenir dépendra de nous. C’est la pensée qui reste, une fois achevée la lecture de ce nouvel ouvrage du sociologue Gérard Mermet. Le chercheur qui s’attache depuis des années à analyser le changement social et le mode de vie des Français revient avec une œuvre sous forme de manifeste. Pour commencer, l’auteur dresse un constat : Notre société fait face à des crises multiples et les défis à relever qu’ils soient écologique, démographique ou économique, font peser des menaces sur notre avenir proche. Face à cette crise multiforme, l’auteur pointe du doigt des institutions impuissantes et une humanité qui se replie sur ses intérêts personnels. Mais point de fatalisme pour Gérard Mermet, l’auteur nous invite à réagir et à reprendre la main pour réaliser un « Grand sursaut ». Pour cela c’est à la responsabilité de tous qu’il fait appel. L’ingrédient secret du sociologue pour se tourner vers un avenir plus responsable et plus durable tient en un mot : la morale. Gérard Mermet appelle à se forger de nouveaux comportements, qui composeraient un « cadre moral » favorisant le respect, la responsabilité et la coopération, afin de retrouver les règles du vivre ensemble, et de faire face aux défis présents et à venir. Modification des habitudes, remise en cause des certitudes, mobilisation collective, ce « contrat vital » se présente comme une référence commune, un guide aidant à faire société avec ses semblables. L’auteur présente une liste de devoirs à accomplir, avec en ligne de mire une utopie assumée : celle de devenir co-responsable du monde, en vue d’un avenir plus responsable et durable, avec la promesse d’une vie meilleure. Hélène Masquelier Journaliste

  • Nazim Hikmet : Leurs chants sont plus beaux que les hommes ...

    Nâzim Hikmet, le Chant des hommes Nedim Gürsel « C’est ainsi que la poésie de Nâzim, voix du peuple, atteint l’universel. » Nâzim Hikmet, le Chant des hommes, p.127. Dans ce nouvel essai littéraire, Nedim Gürsel rend hommage à l’un des plus grands représentants de la poésie turque contemporaine. Après avoir consacré une partie de sa vie à étudier l’œuvre de Nâzim Hikmet, l’historien de la littérature revient ici avec un ouvrage qui nous donne accès, dans une analyse intime et détaillée, aux dessous de sa pensée poétique. Il dessine au fil des chapitres les différents ingrédients qui ont influencé le parcours littéraire du poète qui s’inscrit dans un moment historique et politique précis. On découvre un jeune auteur engagé, profondément marqué par la révolution d’Octobre, intégré à la résistance kémaliste et imprégné de la pensée marxiste. On suit le poète dans les différents épisodes de sa vie, de ses années passées en prison à son exil à Moscou en 1951. Au fil des pages, l’auteur nous offre une plongée dans la culture anatolienne, avec pour but de répondre à cette question : comment ce poète universel, influencé par la littérature populaire traditionnelle est-il parvenu à révolutionner la poésie turque ? Né en Turquie en 1951, Nedim Gürsel est écrivain, enseignant à l’INALCO et directeur de recherche au CNRS. Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages : romans, nouvelles, essais critiques et récits de voyage, pour la plupart traduits en français et dans de nombreuses autres langues. LE CHANT DES HOMMES Leurs chants sont plus beaux que les hommes, plus lourds d’espoir, plus tristes, plus durables. Plus que les hommes j’ai aimé leurs chants J’ai pu vivre sans les hommes jamais sans les chants ; il m’est arrivé d’être infidèle à ma bien aimée, jamais au chant que j’ai chanté pour elle ; jamais non plus les chants ne m’ont trompé. (…) Nâzim Hikmet 20 septembre 1960 Par Hélène Masquelier

  • La pseudo-révolution de la curie romaine

    À partir de ce 5 juin (dimanche de la Pentecôte), la réforme de la curie romaine, promulguée le 19 mars par la constitution apostolique Praedicate Evangelium, entre en vigueur. Présentée à la presse en italien (non traduite à ce jour ni mise en ligne sur le site du Vatican), il s’agirait d’une « révolution ». Un nouveau visage d’Église s’y dessine, se félicitent les théologiens mainstream. Mais, hormis quelques retouches bureaucratiques (suppression de doublons et redéfinition d’attributions redondantes et ajustements financiers), concrètement, quoi de neuf dans la vie de l’Église catholique à partir du 5 juin ? Un nouveau dicastère, dédié à l’évangélisation ? En réalité, c’est la fusion de deux structures qui étaient déjà en service (le conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation et la congrégation pour l’évangélisation des peuples). L’accès des laïcs aux charges curiales, présenté comme une extraordinaire nouveauté ? En réalité, le dicastère de la communication était déjà présidé par un laïc depuis plusieurs années, Paolo Ruffini ; de surcroît, plusieurs organismes, les plus influents, restent réservés aux seuls cardinaux. Une saine décentralisation ? En réalité, c’est exactement le contraire : avec cette réforme, les pouvoirs centraux du pape sont renforcés à tous les étages de la hiérarchie curiale : le pontife s’arroge même la présidence d’un dicastère, en l’occurrence le premier dans l’ordre, ce qui ne s’était jamais vu encore dans l’histoire ; tous les responsables de la curie, clercs et laïcs, restent en outre nommés par le pape et seulement par lui ; leur pouvoir est strictement « vicarial », c’est-à-dire qu’ils l’exercent non pas par eux-mêmes, mais par délégation expresse du pontife qui les nomme et les contrôle ; chacun des seize dicastères est d’ailleurs dédié au seul « service de la mission du pape » ; quant au secrétariat d’État qui dirige et qui coordonne le travail de chacun, il est désormais explicitement désigné comme « le secrétariat du pape ». Le mandat du pape prime ainsi sur tout et sur tous. Il tranche toutes les questions en dernier ressort. Il n’est soumis à aucune juridiction, à aucun contrôle, à aucun contre-pouvoir, ni à aucune limite. Sainte colère dans la chapelle Sixtine Les anges de la chapelle Sixtine se souviennent peut-être de la sainte colère poussée sous leur firmament le 22 décembre 2014 par Jorge Bergoglio. Il avait alors dénoncé toutes les maladies de la curie : jamais d’autocritique, marthalisme, pétrification mentale et spirituelle, fonctionnarisme, mauvaise coordination, Alzheimer spirituel, vanité, schizophrénie existentielle, commérage, carriérisme, visage lugubre, clanisme, profit mondain (voir Scandales, les défis de l’Église catholique, Empreinte temps présent). Huit ans après, le même pape administre avec sa réforme le remède universel à toutes ces pathologies : lui, plus exactement son pouvoir, convaincu que ce qu’il juge bien est bien pour tous, oublieux qu’il est des résultats toujours désastreux que produit dans l’histoire l’exercice abusif du pouvoir absolu, autant pour l’intéressé que pour son peuple. Des commentateurs remarquent que Praedicate Evangelium est publiée alors qu’est engagée une démarche synodale. Celle-ci encourage l’ensemble des fidèles à s’exprimer en toute liberté dans le cadre de débats grand ouverts. Comme si la porte allait enfin s’ouvrir, simultanément et en contrepartie, à la vos populi, aux signes des temps, aux cultures du monde, au sens surnaturel de la foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs, apportent aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel (selon la constitution Lumen Gentium 12 A adoptée par Vatican II). Mais la réalité est tout autre. Le motu proprio Apostolica sollicitudo, publié en 1965 par Paul VI, a institué le synode comme une instance purement soumise au primat universel, complètement subordonnée au pouvoir papal. Le synode est toujours dépendant du pape, explique l’ecclésiologue Gilles Routhier (Penser la réforme de l’Église, Cerf, 2021), il n’a pas d’autonomie de décision et ses décisions requièrent obligatoirement une ratification papale. Inversement, le pape n’est jamais lié par les recommandations du synode. Le synode ne renverse pas la pyramide Le synode ne renverse nullement la pyramide, les chrétiens de base, si le droit de se défouler leur est accordé, demeurent tout en bas et le pape, au sommet, tout en haut. La pleine collégialité ne pourrait être effective que dans le cadre d’un concile général qui rassemble tous les évêques de l’Église catholique. Dans l’histoire, rappelle Christoph Theobald (Le courage de penser l’avenir, Cerf, 2021), les manifestations extraordinaires et solennelles que sont les conciles ont toujours répondu à des situations de crise : l’essor de l’arianisme au concile de Nicée (325), le Grand Schisme au concile de Constance (1414-1418), la Réforme au concile de Trente (1547-1563), le modernisme au concile de Vatican I (1869-1870). Mais leur convocation dépend du pouvoir du pape seul. Et le pape actuel ne juge donc pas que l’institution traverse aujourd’hui une crise suffisamment ouverte et profonde pour un réel partage et des mesures véritablement collégiales. Un nouveau visage d’Église autocratique. Du moins Jorge Bergoglio ne cesse-t-il de penser qu’il est la seule personne providentielle en mesure de mettre au pas une curie qu’il juge atteinte de nombreuses pathologies, et seul en droit de diriger le système romain. Voilà donc le nouveau visage d’Église tel qu’il le dessine : autocratique comme jamais. Tous les papes depuis Jean XXIII (sauf Jean-Paul 1er) ont fait leur réforme de la curie : Jean XXIII avait rétabli les audiences Di Tabella, réuni les patrons des dicastères pour qu’ils se concertent mutuellement et créé le secrétariat pour l’unité des chrétiens. Paul VI avait créé de nouveaux organismes ouverts vers le monde extérieur, comme Justice et paix, le secrétariat pour les non-croyants, ou le conseil des laïcs, et il y avait nommé de nombreux laïcs. Jean-Paul II avait transformé les conseils pontificaux en dicastères, leur conférant davantage d’autonomie et nommant à leur tête des évêques extérieurs à la curie et résidant loin de Rome. Benoit XVI avait créé l’autorité d’information financière, le conseil pour la promotion de la nouvelle évangélisation, lui rattachant la congrégation pour le clergé et les compétences sur les séminaires de la congrégation pour l’éducation catholique. Alors, que retiendra-t-on de Praedicate Evanglium, sinon l’extension des pouvoirs du pape à tous les étages, nettement au-delà des concentrations déjà en vigueur dans le système romain, ce système dont Teilhard de Chardin disait : Nous le défendons en n’étant plus catholique ? La révolution selon le pape actuel, comme s’extasient ses thuriféraires, confisque en fait tous les droits pour le pape, évite toute remise en cause des ministères sacralisés, vise principalement à remettre au pas la bureaucratie, cette fille de la hiérarchie, comme disait Jacques Ellul (Anarchie et christianisme, la Table Ronde). La réforme qui entre en vigueur le jour de la Pentecôte 2022 marque la toute-puissance du pape actuel. Archè, la puissance en grec, le mot est employé douze fois dans le Nouveau Testament, où n’apparait pas le mot hiérarchie, remarquait Yves Congar (Pour une Église servante et pauvre, Cerf). Trois fois il s’agit de magistrats, du pouvoir public civil ; les neuf autres fois, il s’agit des Puissances que le Christ s’est soumises ou devra se soumettre. Dans aucun cas le mot n’est appliqué aux autorités de l’Église. Sauf aujourd’hui, avec une réforme qui verrouille l’évangélisation sous le pouvoir pontifical et oublie l’Évangile. Christian Delahaye Journaliste et théologien, prochain ouvrage à paraître Les animaux et les dieux, essai de théologie animaliste (Empreinte temps présent – Golias).

  • Quand dans ma vie il faisait froid…

    Ce fut comme une déflagration dans un ciel gris. Quand Poutine s’est attaqué à l’Ukraine, nous n’étions certes pas sereins. Inquiets plutôt de la montée des tensions… Mais de là à imaginer un conflit sur le sol européen, impossible. Depuis longtemps, nous avions cessé de “penser” la guerre comme une probabilité, comme un réel à venir sur notre continent. Nous n’étions pas les seuls. L’état de sidération a frappé partout, jusque dans les plus hautes sphères de la politique. Et puis, rapidement, est venu le temps de la réaction. Jamais l’Union européenne n’a alors si bien porté son nom, ou alors pas depuis longtemps. Elle réussit à faire front commun face à un Vladimir Poutine toujours plus enfermé dans sa volonté de restaurer la Russie éternelle, devenu imperméable à toute discussion et tout compromis, envahi par la frustration, l’humiliation, le désir de vengeance, la toute-puissance. Les sanctions économiques et financières prises par l’UE n’y ont pas changé grand-chose. La Russie tient les Européens grâce à son gaz, son charbon et son pétrole. Alors le maître du Kremlin peut continuer de martyriser le peuple ukrainien dans le Sud et l’Est du pays. Les photos de Marioupol sont insoutenables tout comme celles des charniers de Buzova mais comment s’aventurer dans une réplique militaire européenne, quand Poutine brandit la menace nucléaire? Alors sont revenus les temps de guerre froide, celui de la diplomatie tous azimuts, marqué par l’impuissance de l’ONU. Et puis le quotidien a repris sa place, marqué par la question du pouvoir d’achat, une campagne atone, une élection qui ne le fut pas moins, tant gagne le désenchantement de la politique avec un grand P. Avec le risque que s'étiole toujours plus la notion de bien commun et le consentement à la démocratie, la passion de la République. Mais si l’Ukraine fait moins la Une des médias ou l’ouverture des journaux télévisés, comment oublier les pleurs de Marta, 25 ans ? Elle est venue en transit chez moi avant de repartir sur Roanne, il y a quelques semaines. Elle m’écrit traverser la plus dure période de sa vie, menant une vie presque normale alors que son amoureux est resté au front, lui qui n’avait jamais vu un fusil de sa vie. Comme elles, elles sont des milliers, ces jeunes femmes, ces jeunes mères qui ont fui les bombes et ont trouvé refuge chez nous. Souvent, je discute avec Genia, dermatologue, arrivée avec ses deux filles adorables, Carolina et Veronika. Son mari est mobilisé lui aussi. Genia impressionne par son énergie, sa volonté d’apprendre vite notre langue. Ainsi, elles sont 12 familles, 28 personnes en tout, à avoir rejoint, par les hasards de la route de l’exil, cette petite ville des Hauts-de-Seine. Les accompagner dans cet exil est un défi. Genia et Marta sont entourées par un filet de bénévoles, des citoyens qui n’ont pas pu laisser faire et qui ont ouvert leur porte… Pour elles, pour eux, l’indifférence n’est pas de mise. Nathalie Leenhardt

  • Présidentielle : la défausse et la faute des évêques mercenaires

    Face à la montée vertigineuse des populismes d’extrême-droite et d’extrême-gauche, les évêques français désertent en rase campagne électorale : ils s’abstiennent de formuler un choix entre les candidats, ni pour, ni contre aucun des deux. Ce refus d’engagement des dirigeants catholiques est non seulement une défausse en terme politique, mais c’est une faute devant l’Evangile, une trahison aux conséquences tragiques. Au premier tour de l’élection présidentielle, les trois candidats d’extrême-droite ont obtenu 40% des voix catholiques et les trois candidats d’extrême-gauche ont recueilli 16% de leurs suffrages (sondage IFOP pour La Croix). Le vote protestataire a rallié la majorité des pratiquants. Et les évêques ? Motus. On ne le saura pas. Et on ne saura pas davantage contre qui, ni pour qui ils appellent à voter, ou ne pas voter, au second tour. Entre les deux tours, le conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) s’est contenté de s’adresser « à l’intelligence, à la conscience et à la liberté de chacun (…) avec la gravité que requièrent l’événement, l’état de notre pays et les crises qui traversent notre monde. » Il a juste rappelé « aux catholiques l’importance de voter et de le faire en conscience, à la lumière de l’Evangile et de la doctrine sociale de l’Eglise ». C’est le même choix de ne pas choisir franchement que les évêques avaient formulé en janvier, préférant « en appeler au dialogue » et «susciter des réflexions personnelles de chacun, pour que chacun nourrisse son choix de raison », alors même qu’Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF, reconnaissait qu’ « il y a beaucoup d’inquiétude dans le pays », que « beaucoup de peurs d’expriment » et qu’ « une espèce de trouble touche l’humanité elle-même » - rien que ça ! Un tel non-choix avait déjà été arrêté lors de la précédente élection présidentielle, en 2017, la CEF se refusant fermement à rejoindre le cordon sanitaire et républicain contre la candidature de Marine Le Pen. La ligne retenue en 2022 ne saurait cependant être considérée comme le simple copié-collé de 2017, car les temps ont changé avec, d’une part, la montée vertigineuse des populismes et le risque d’un basculement civilisationnel qu’elle suscite et, d’autre part, avec l’exploitation partisane du thème des racines chrétiennes. Autres temps, autres évêques. La désertion épiscopale en rase campagne électorale est d’autant plus remarquable que les mêmes évêques nous avaient habitués à des immixtions politiques lors des grands débats éthiques (mariage pour tous, aide médicale à la procréation, délais d’IVG). Mais surtout, les évêques renient les engagements véhéments de leurs grands prédécesseurs : « Chrétiens, nous ne supportons pas les mensonges du candidat de l’exclusion, du mépris et de la haine, notamment quand il détourne l’Evangile à son profit », tonnait ainsi en 2002 le cardinal Albert Decourtray, qui dénonçait « un projet de société (qui) n’a rien à voir avec le message d’amour et d’espérance du Christ. » S’indignant au même moment contre « l’avilissement de la pensée négationniste », le cardinal Jean-Marie Lustiger stigmatisait « les thèses néo-païennes et anti-chrétiennes ». Autres temps, autres évêques, autres théologie politique. Il est vrai qu’en 2 000 ans, le catholicisme s’est livré à pas mal d’ « allers et retours complexes faisant passer du politique au religieux chrétien et du religieux à un nouveau politique », comme l’observait Michel de Certeau (« L’Invention du quotidien », Gallimard) ; il expliquait que l’effritement du pouvoir ecclésiastique avait fait refluer les croyances vers le politique, mais sans y ramener les valeurs divines ou célestes que les Eglises avaient mises à part, contrôlées et prises en main. Ce reflux est aujourd’hui sidérant. Dans « l’Alliance contre-nature, quand les religions nourrissent le populisme » (éditions Empreinte-Temps présent), nous avons décrit les trois grands tournants théologico-politiques pris par le christianisme au cours de deux millénaires : le premier tournant, universaliste, a mené pendant trois siècles de la dispersion d’Israël à l’inscription dans l’Empire sous Constantin et Théodose ; le second, a conduit en 1 500 ans à un populisme chrétien de combat avec l’instauration du système romain et sa caste ecclésiastique ; le troisième tournant, à Vatican II, a acté la fin de la chrétienté conjuguée au mode populiste pour renouer avec la tradition profonde du christianisme : il a chassé les peurs de l’autre, l’autre connu comme un semblable, un proche aimable, il a défié l’éternelle tentation du rejet, la mécanique de la détestation et du bouc émissaire, il a coupé le moteur du ressentiment, qui fait vrombir les foules populistes sous les imprécations identitaires de leurs leaders : il a annoncé l’Evangile vécu comme le contre-programme de tous les populismes, l’anti-populisme-même. Populisme chrétien, un épouvantable oxymore Decourtray et Lustiger s’inscrivaient nettement dans ce tournant. Mais un quatrième tournant, non moins net, a été pris à partir de 2017 lorsque la CEF, en refusant de faire barrage au populisme d’extrême-droite, le dédiabolisant, a ouvert la voie au populisme chrétien (si l’on peut oser cet épouvantable oxymore), reconstruisant les vieilles barrières identiaires chrétiennes qui poussent les feux contre les étrangers en général et les migrants en particulier, ces barrières qui déshonorent les fondamentaux de l’Evangile que sont l’accueil de l’étranger, l’amour des ennemis, la fraternité dans la diversité. Après le volte-face de 2017, la défausse de 2022 poursuit dans ce courant qui trahit l’esprit de l’Evangile. Dans « Pour une église servante et pauvre » (Cerf), Yves Congar la voyait venir et prévenait par avance contre « l’héritage de l’archaïsme et de la rigidité » et cette « effroyable conception qui oublie que toute l’Eglise est un unique peuple de Dieu ». Il alertait sur le risque d’« une trahison de la vérité extrêmement grave ». Tous les évêques français ont-ils renoncé cependant à porter le témoignage anti-populiste de l’Evangile ? Le sociologue Yann Raison du Cleuziou risque l’hypothèse que certains se trouveraient invisibilisés et subiraient la pression intégraliste et intransigeante. L’épiscopat serait très divisé et prendrait la tangente pour ne pas réveiller et risquer d’afficher ses fractures, murmure-t-on. Joseph Moingt dans « L’Esprit du christianisme » (Temps présent), le soulignait : « il est indubitable que la division trop visible entre courants traditionnalistes et modernisants, anti et pro-Vatican II, a d’ores et déjà mis l’Eglise en situation en situation de schisme larvé, ce qui reste à inscrire au compte de son déclin actuel. » L’Evangile du pasteur et du mercenaire Dans ce contexte, l’évangile du bon pasteur projette un éclairage tragique sur la posture théologico-politique adoptée par les évêques français : « Le mercenaire, qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s’enfuit, et le loup s’en empare et les disperse. C’est qu’il est mercenaire et ne se soucie pas des brebis. » (Jean 10, 12-13). « C’est fuir aussi que de se taire quand on devrait parler, et de laisser de côté ce qu’il faudrait faire, commente le théologien martyr Dietrich Bonhoeffer (« Gesammelte Schriften » IV) : aussi sûrement que le bon berger meurt pour ses brebis, le mercenaire s’enfuit. Le pasteur est un mercenaire si sa fonction, lui-même, son intérêt sont plus importants que la communauté du bon berger. Il s’enfuit, peut-être justement quand il la tient pour sa propriété. » De peur d’afficher les lézardes leur système, les évêques mercenaires ont pris la fuite. Ils taisent le défi que Jésus lance au populisme, à l’éternelle tentation du rejet et de la détestation. Leur défausse est une faute qui les déligitime devant l’Evangile. Christian Delahaye Journaliste et théologien (prochain ouvrage à paraître « Des animaux et des dieux, essai de théologie animaliste » (Empreinte Temps présent et Golias).

  • U2, Psaumes électriques

    Aurélien Clappe nous parle de son livre "U2, Psaumes électriques" à la radio Sur RCF U2 : Quand la foi imprègne le rock (sur RTS) Retrouvez plus d'info par ici :

  • Principes républicains et Islam de France

    Vu de loin, le paysage est vraiment difficile à décrypter. Les relations de l’Etat français avec les responsables musulmans n’ont jamais été simples. Depuis des décennies, l’islam de France connaît des difficultés de représentativité et les pouvoirs publics sont en manque d’interlocuteurs reconnus pour avancer sur des dossiers épineux, notamment celui du serpent de mer qu’est le recrutement des imams. Trop souvent encore, ceux-ci sont en effet formés à l’étranger, parlent mal notre langue et sont peu au fait des lois de la République. Comment leur expliquer alors la fameuse notion de laïcité à la française, exemple quasi unique dans le monde? Autre sujet délicat : le financement des mosquées Là encore, les fonds viennent de l’extérieur – par exemple du richissime Qatar…–, donnant du poids à des courants conservateurs, voire salafistes, peu compatibles avec notre modernité. Quand il crée le CFCM en 2003, Nicolas Sarkozy pense avoir trouvé – ou créé – le Graal, si j’ose dire. Las… Le CFCM ne remplira jamais un des objectifs de départ : fédérer les différentes tendances de l’islam en France. Il s’est notamment heurté aux querelles entre les appartenances des pays d’origine. Algérien, marocain, turc mais aussi malien ou comorien, etc., l’islam a de multiples facettes qu’il n’est pas toujours aisé de faire cohabiter, encore moins dialoguer. A cet égard, si la Fédération protestante de France a relevé le défi de réunir des Eglises issues d’histoires variées mais nées sur le sol français, il lui est en revanche bien plus difficile d’approcher des communautés “issues de l’immigration” : congolaises, gabonaises, haïtiennes, chinoises… Certes, ces églises évangéliques, souvent rassemblées autour d’un pasteur autoproclamé et unies par de la langue du pays natal, sont plus récentes que bien des mosquées implantées sur notre sol. Il n’empêche : fédérer exige un temps – et une patience – considérables. Aux yeux de l’actuel gouvernement, le CFCM a donc failli. Sa mort annoncée brutalement en janvier – même s’il n’a pas été dissous – a laissé place au FORIF, un nouvel acronyme qui signifie Forum de l’islam de France. Il est né des ATIF, ces Assises territoriales de l’islam de France qui se sont tenues en 2018, 2019 et 2021, autour des préfets. Il s’agissait pour le gouvernement de faire émerger localement des acteurs et des associations représentatives du culte musulman. Selon le ministère de l’Intérieur, en charge des cultes, lors de la troisième édition des ATIF, plus de 260 réunions ont été organisées sur l’ensemble du territoire rassemblant près de 2500 participants de tous horizons (cadres religieux, responsables associatifs, aumôniers, acteurs de la société civile, universitaires, élus, etc.). Lors de ces assises, est apparue la nécessité de groupes de travail nationaux qui se concentrent sur quatre thématiques : le fonctionnement et la gestion des aumôneries, la professionnalisation et le recrutement des imams, les actes antimusulmans et la sécurité des lieux de culte, l’application de la loi confortant le respect des principes de la République. Comment ne pas s’étonner qu’à ces quatre groupes n’ait pas été ajouté un cinquième : comment lutter contre l’islam radical? Que faire contre l’embrigadement des jeunes par les réseaux sociaux ? Comment juguler la parole des imams qui prônent le voile pour des petites filles de sept ans ? Pourquoi une telle omission ? La majorité silencieuse des musulmans, bien que respectueuse des lois de la République, a parfois intégrer que dénoncer l’islamisme, c’est trahir, comme le prétendent les islamistes. Quelques rares courageux disent les vérités qui fâchent comme ces personnalités musulmanes qui ont signé une tribune dans le journal Le Monde, le 1er février 2022. Elles y dénoncent fermement, au nom de leur foi et de leur attachement à la République, le salafisme et ses corollaires : le fondamentalisme, l’obscurantisme, l’intolérance, l’enfermement idéologique. Qui les rejoindra ? Nathalie Leenhardt Nathalie Leenhardt est journaliste, ancienne rédactrice en chef du journal Réforme, elle intervient régulièrement pour l'édito de la matinale de RCF. Pour aller plus loin : Les religions sont-elles à la racine de tous les maux ? Sont-elles facteur d'intolérance, de sectarisme, de violence et de terrorisme ? Dans ce livre très bien documenté, le professeur Keith Ward répond à ces questions. Il examine les arguments d'un point de vue historique, philosophique, sociologique et psychologique. Il se concentre sur la question principale : la religion fait-elle plus de mal que de bien ? Au fil de son argumentaire clair et sans complaisance, l'auteur prend ses exemples dans les grandes religions tout au long des siècles. Le lecteur est peu à peu amené à comprendre ce que les religions peuvent apporter de positif dans les sociétés séculières modernes et dans la vie des individus. Les paraboles sont la preuve anthropologique que le Christ était vraiment homme. En effet, il connaissait les moindres détails de l’âme humaine et ses aspects les plus intimes. Il était familier des paysages, de la poussière des rues et des eaux boueuses du Jourdain. Il savait le goût du vin et celui de l'eau des puits. Il avait une expérience du monde que seuls possèdent ceux qui se sont confrontés aux réalités les plus ordinaires de notre quotidien. Dans cet ouvrage, Alberto Fabio Ambrosio offre au lecteur un regard neuf sur les plus belles paraboles de l'Évangile, «la perle précieuse», le «bon Samaritain», «le festin des noces», «le fils prodigue»… ​

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