Dieu existe-t-il ?
Réflexions sur la question de la vérité

« La rupture entre la croyance et le savoir est un symptôme de la dissociation de la conscience qui caractérise l’état mental perturbé de notre époque. Tout se passe …comme si une seule et même personne décrivait son expérience alors qu’elle se trouve dans deux états d’esprits différents. En pareille situation, il ne sert à rien qu’une moitié tire obstinément à droite, et que l’autre moitié tire avec la même obstination à gauche»
Présent et avenir, p. 71
Sommes-nous capables de concilier l’attitude d’esprit nécessaire à la science, et celle qui concerne la foi ?
Alain Badiou, dans un article récent pose la question : « la vérité est-elle possible dans un monde sans transcendance ? » L’auteur, en bon extraverti, a besoin de comprendre le monde à l’aide d’un discours qui rende compte d’une vérité sûre et acquise. Pour lui, la tâche de la philosophie, contre l’empirisme et les pensées qui conduisent au relativisme, est de « créer, dans les conditions de son temps, le savoir de la possibilité existentielle du vrai ». Pas dans un arrière monde, mais dans l’immanence, dans notre vérité quotidienne, car nous avons besoin de certitudes pour agir. Mais l’expérience quotidienne montre que ces certitudes se heurtent à d’autres convictions, et que fixer une vérité absolue est exclure celui qui pense autrement, et restituer le monde de l’Inquisition.
Que pouvons-nous considérer comme vrai ?
Ce sont les philosophes héritiers de Descartes qui ont posé le problème avec le plus de précision : pour arriver à la connaissance du monde réel, il faut dépasser la barrière des apparences. Pour le philosophe, ce sont des lois cachées et invisibles qui rendent compte des phénomènes apparents. La réalité du monde est ordonnée en une organisation de causes et d’effets correspondant à la structure rationnelle de l’esprit humain. On arrive à la connaissance du monde en retrouvant sa structure rationnelle cachée.
Peut-on limiter la réalité du monde à des structures rationnelles ?
Jung écrit en 1911 : « L’évolution des sciences naturelles fit naître une conception du monde universelle, celle du matérialisme scientifique, qui, du point de vue psychologique, repose sur une énorme surévaluation de la causalité physique. Le matérialisme scientifique refuse par principe d’admettre quelque autre causalité que la causalité physique. Le dogme matérialiste tel qu’il est formulé en psychiatrie s’énonce ainsi : « les maladies mentales sont les maladies du cerveau1 » (Psychogénèse des maladies mentales, p 259). La médecine moderne se sert de ces conceptions.

Les émotions, les pensées, l’espérance et la foi sont-elles réductibles à des causes et des effets ?
La psychologie cognitive reste prise dans le matérialisme scientifique. Elle méconnait la dimension de l’âme. « la relation étroite entre la psyché et le cerveau, ne prouve nullement que la psyché ne soit qu’un épiphénomène, une apparition secondaire qui se trouve dans un lien de dépendance causale par rapport aux processus biochimiques qui se déroulent dans le substrat organique» (C.G. Jung, Présent et avenir, p 45).
Notre conscience d’être au monde se réduit-elle à une suite de processus biochimiques ?

« La structure et la physiologie du cerveau ne permettent pas d’expliquer le processus de conscience…Le monde n’existe comme monde que dans la mesure où il se trouve réfléchi et nommé par une psyché. La conscience est une condition de l’être. Ce fait confère philosophiquement à la psyché la dignité d’un principe cosmique, et une importance de fait égale à celle du principe de l’existence physique».
Présent et avenir, p 46
L’âme existe-t-elle indépendamment du cerveau ?

« Notre époque commet une erreur fatale : elle croit pouvoir critiquer les faits religieux du point de vue de l’intellect. On pense par exemple, comme Laplace, que Dieu est une hypothèse pouvant être soumise à un traitement intellectuel, à un acquiescement ou à une négation. Ce faisant, on oublie totalement que la raison pour laquelle l’humanité croit au daimon n’a absolument rien à voir avec des facteurs extérieurs quelconques, mais repose simplement sur la perception naïve de la puissante action intérieure des systèmes fragmentaires autonomes. Cette action n’est pas supprimée parce qu’on critique intellectuellement leurs noms ou qu’on les taxe de fausseté».
Commentaire sur le mystère de la fleur d'or, page 53
Croyons-nous en Dieu pour des raisons intellectuelles, ou par le sentiment intérieur et la certitude intuitive de sa présence ?

« Dieu est en réalité la position psychique effectivement la plus forte, exactement dans le sens de l’affirmation paulinienne « leur Dieu est le ventre ». (Phil 3,19). Le facteur le plus puissant et par conséquent le plus déterminant au sein d’une psyché individuelle, s’assure cette foi ou cette frayeur, cette soumission ou ce dévouement qu’un Dieu pourrait exiger de l’homme ».
Psychologie et Religion, p.170
Savons-nous reconnaître ce qui en nous est l’investissement le plus puissant, ce qui nous fait courir, ce qui nous fait courber la tête ? Est-ce Dieu ? Ou projetons-nous sa puissance sur un élément du monde ?
Sabi Tauber, Mon analyse avec Jung, p. 151.