les Métamorphose
nécessaires
La vie psychique évolue en permanence. L’adaptation au monde ambiant, le passage des différents âges lui imposent des renoncements et des deuils qui sont autant de sacrifices nécessaires.

« l’important c’est qu’un sacrifice ait lieu, c’est-à-dire que se produise dans l’inconscient un processus de métamorphose […] dont les contenus et le sujet sont en eux-mêmes inconscients»
Métamorphoses de l’âme et ses symboles, p. 700
Par exemple : l’enfant, l’adolescent ou même l’adulte resté fixé à un stade infantile doit se libérer de l’attachement archaïque à la mère. Ce lien non coupé fait qu’il projette sur autrui sa demande de reconnaissance et d’amour et, comme l’écrit Jung, « qu’il n’est pas à même de vivre sa propre vie ni de trouver le caractère qui est le sien» (Ibid). La lutte pour se libérer de l’empreinte maternelle est longue et difficile. Reconnaitre que la recherche de reconnaissance est une projection de cette empreinte, et se couper des liens névrotiques que la projection a créés est un véritable sacrifice douloureux. On voit cela couramment dans les séparations de couple, où le partenaire est souvent le support de la projection maternelle. S’arracher du lien avec lui est reproduire l’arrachement initial d’avec la mère.
Jung met ce complexe en relation ce qu’il appelle la dynamique incestueuse :

« Tant que l’enfant se trouve dans cette identité inconsciente avec sa mère, il est encore un avec l’âme animale, autrement dit aussi inconscient qu’elle. Le développement de la conscience conduit inévitablement non seulement à la distinction d’avec la mère, mais aussi à la distinction d’avec les parents et la famille en général, et ainsi à une séparation relative de l’inconscient et du monde de l’instinct. Or l’aspiration à ce monde perdu continue de subsister et d’attirer toujours, quand de difficiles travaux sont nécessaires pour s’adapter, parce qu’elle permet de se dérober ou de reculer, de régresser vers les temps lointains de l’enfance. Et c’est ainsi que se produit la dynamique incestueuse. »
Ibidem, p 393
Plus tard, l’adulte doit renoncer aux idéaux infantiles. Jung, dans sa jeunesse, était devenu un bourreau de travail intellectuel, parce qu’il s’identifiait à une image. Dans la grande remise en question qu’il a traversée à l’âge de quarante ans, il s’est vu obligé de se libérer de cette compulsion, pour faire place à une vie plus large :

« Dans un rêve, écrit-il, je tuais Siegfried. C’était une représentation de la destruction de mon idéal héroïque de puissance intellectuelle. C’est ce qui devait être sacrifié, de façon à permettre une nouvelle adaptation »
Introduction à la psychologie jungienne, Le séminaire de 1925. Albin Michel, Paris, 2015, p 126.
Il retrouve cette nécessité de transmutation dans la sagesse millénaire chinoise : « Lorsque le Yang a atteint sa puissance la plus grande, la force obscure du yin croît à l’intérieur de lui, car à midi la nuit commence, le yang se brise et devient yin» (C.G. Jung, Commentaire sur le mystère de la fleur d’or, p 29). Vers le milieu de la vie, « suivant la loi de « l’énantiodromie », de la course en retour que les Chinois ont si clairement comprise, de la fin d’une phase sort le commencement de la phase opposée. Ainsi le Yang à son point culminant se transforme en Yin, et ce qui était positif devient négatif» (C.G. Jung, Commentaire sur le mystère de la fleur d’or, p 29). L’individu est appelé à trouver un point d’équilibre entre ce qui a été sa vision de jeunesse, le Yang, et ce qui a été renié en lui, le Yin. Jung rejoint ainsi la voie du Tao.