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la Résurrection

La foi en la résurrection de Jésus est au cœur de la prédication chrétienne. Mais sommes-nous obligés de sacrifier l’évidence de l’expérience universelle d’une mort toujours définitive ? Et comment rendre compte de la croyance attestée depuis la préhistoire en une vie après la mort ?

Pour le dire tour crûment, Jung, dans sa démarche qu’il veut scientifique, ne croit pas au côté concret de la résurrection du Christ. Il écrit :

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« En tant que fait historique, la résurrection est douteuse. Si l’on étend le bénéfice du doute à de telles assertions contradictoires, on pourrait envisager la possibilité d’une vision, tant individuelle que collective»

La vie symbolique, p. 152

Quels témoignages de la résurrection nous sont-ils parvenus ? Jung note que le témoin le plus ancien en est l’apôtre Paul. Or l’expérience personnelle de l’apôtre « consiste en une vision qui s’est imposée à son esprit, alors que les relations plus tardives insistent sur le caractère concret du corps du Christ ressuscité. Les témoignages des Evangélistes ne concordent que sur le fait que le sépulcre était vide, et nullement sur la chronologie des évènements oculaires» (Ibid). On passe bien du récit d’une vision à l’attestation d’un fait concret.

Celui-ci est nécessaire à la prédication de la jeune église chrétienne. Jung se replace dans l’état d’esprit du premier siècle de notre ère :

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« les réalités spirituelles ne pouvaient être mises à la portée d’un peuple inculte autrement que par des miracles massifs et tangibles […]. Le concrétisme était inévitable, avec toutes ses implications […]. Dans ces conditions, la résurrection n’est pas soutenable en tant que fait historique et concret, alors que la disparition du cadavre pourrait être un fait réel (...)

Pour les premiers chrétiens, il fallait que la résurrection soit un évènement concret matériel, que l’on pût voir de ses yeux et toucher de ses mains, comme si l’esprit n’avait pas d’existence propre. Aujourd’hui encore, les humains ne peuvent pas saisir sans difficulté la réalité d’un évènement psychique ; la réalité de la résurrection en tant qu’évènement psychique n’est pas concrète. Il est singulier que les chrétiens soient restés tellement païens qu’ils ne comprennent pas l’existence spirituelle autrement que corporelle. Je crains que nos églises chrétiennes ne puissent maintenir plus longtemps cet anachronisme choquant, sous peine de s’empêtrer dans d’insoutenables contradictions. »

La vie symbolique, p. 155

Pour saisir cette réalité spirituelle, il est essentiel d’accéder à une compréhension symbolique de la résurrection : « Si on ne prend pas, écrit Jung, la Résurrection du Christ au sens littéral, mais si on la comprend sur un plan symbolique, elle est susceptible d’être interprétée de différentes façons qui n’entrent pas en collision avec le plan de la raison, sans que pour autant cette interprétation nuise au sens qu’il s’agit d’exprimer. L’objection selon laquelle la compréhension symbolique détruit l’espérance du chrétien en l’immortalité n’est pas recevable, dans la mesure où la croyance en une vie après la mort est bien antérieure au christianisme et où elle n’a pas eu besoin pour naître et subsister de la garantie du « miracle de Pâques » (C.G. Jung, Présent et avenir, p. 37). Pour Jung, cette croyance vient du fond de l’inconscient collectif. Il précise : la résurrection est « une représentation archétypique très importante. Je ne sais pas si elle a jamais eu lieu en tant qu’évènement physique. La résurrection est un mythe. Elle fait partie de ces caractéristiques du Héros ou de l’Anthropos qui renvoient à la nature extratemporelle, c'est-à-dire transcendantale de l’archétype» (C.G. Jung, La vie symbolique p.152). La foi en la résurrection peut donc se comprendre en relation avec l’expérience du sentiment d’intemporalité, ou d’éternité.

Elle est aussi en lien avec la nouvelle naissance, la naissance selon l’Esprit, celle dont parle Jésus dans l’entretien avec Nicodème : « Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit « il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit » (Evangile de Jean, 3,8). La résurrection du Christ peut être comprise comme le symbole de cette renaissance selon l’Esprit. Attester de l’une revient à attester de l’autre.

Il convient cependant de respecter les besoins intimes de l’âme : certaines personnes, les extraverties, ont besoin de croire au fait réel d’un vrai corps de chair retrouvé. D’autres, les introverties, peuvent le comprendre comme une réalité spirituelle. La pensée de Jung ouvre sur les aspects multiples de cette foi en la résurrection. Elle permet de réunir dans des démarches complémentaires ceux qui vivent de la conviction d’une plénitude de la vie ici-bas avec les engagements qu’elle comporte, et ceux qui s’appuient sur une espérance de vie éternelle, dont la résurrection du Christ est l’annonce évidente.

Pour ces derniers, cette espérance est essentielle pour la vie psychique. Jung l’avait bien compris, qui écrivait :

« Je fais tous mes efforts en tant que médecin pour renforcer la croyance en l’immortalité, spécialement chez mes patients âgés pour qui ces questions sont d’un intérêt immédiat et brûlant. La mort est en effet, si on la considère correctement du point de vue psychologique, non une fin, mais un but, et c’est pourquoi la vie en vue de la mort commence dès que le zénith est franchi ».

C.G. Jung, Commentaire sur le mystère de la fleur d’or, p.64. Il s’agit ici du zénith de la vie, la quarantaine, où se situe une remise en question des valeurs de la jeunesse, et une ouverture aux valeurs spirituelles en vue d’une préparation à la mort.

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